interviewe exclusive
FRANCIS ZEGUT - RTL2



 
 
 

RADIO-PHONIC: Peux-tu nous décrire ton émission «Pop rock station»?

FRANCIS ZEGUT: Le  nerf de la guerre c'est quand même la musique. Avec les mots «pop» et «rock», on dispose tout de même d'un grand territoire qui nous permet de ne pas être obligé de passer Britney Spears. Il y a quand même autre chose. On passe aussi bien Massive Attack que Metallica ou Springsteen. Le soir, on ne se base pas trop sur l'étiquette que ça peut avoir. On écoute le morceau et s'il correspond à l'émission, on le diffuse. A part ça, il y a toujours le lien avec internet qui offre de l'interactivité via le chat où il y a énormément de monde le soir, beaucoup plus que sur «Zikweb» auparavant. On a aussi inventé des petits jeux autour de ça qui naissent de petits délires entre nous. Les «DédiZ», ce sont des dédicaces comme il y en avait avant par téléphone ou par carte postale, sauf que là ça se passe par le net. Elles nous servent à faire une grande partie de la programmation. Car la première chose que l'on fait, c'est de lire les «DédiZ» pour mater un peu ce que les gens demandent. Il y a au moins quinze titres de la play-list du soir qui est basée sur les demandes des auditeurs.

Concernant les «DédiZ», tu avais l'intention de prendre des auditeurs sur l'antenne, mais tu ne le fais pas trop finalement, ça ne te manque pas?

On en prend de temps en temps. C'est vrai que c'est moins systématique qu'au départ, mais ça tourne bien comme ça.

Est-ce que la séparation avec RTL a été difficile?

D'abord, je ne suis pas séparé de RTL car je suis toujours sous contrat avec RTL, mais détaché à RTL2.

Ca a été brutal où vous sentiez le coup venir?

Pas vraiment. Disons que jusqu'au dernier moment, on ne le savait pas. C'est vers le mois de juin que ça s'est décidé. On a eu des réunions pour voir ce que pourrait être la grille à la rentrée. Mais c'est vrai que lorsque tu bosses dans le même endroit depuis 25 ans, tu te fais des amis, tu crées des relations, des liens se tissent. Ceci dit, je ne pars pas non plus à 500 bornes d'ici. On reste dans le même immeuble, on bouffe dans la même cafétéria. Et quand j'ai terminé de bosser, je vais boire un Coca et je passe dans les bureaux des gens que je connais. Pour moi, ça n'a pas été une rupture brutale même si au bout de 25 ans dans une radio où tu vis de ton métier de manière passionnelle ça fait quelque chose. Mais c'est aussi un vrai challenge de venir ici.

«ZikWeb» sur RTL marchait plutôt bien je crois, pourquoi ont-ils arrêté alors?

Et bien je ne sais pas. Peut-être ont-il jugé que le web ne faisait pas partie des fondamentaux de RTL. Les décisions se prennent d'en haut. C'est un métier où nous sommes tous sur des sièges éjectables. Il faut l'accepter. Mes cinquantièmes rugissants ne sont pas très loin, et s'il me reste un bout de chemin à faire et si ça se passe comme ça, c'est plutôt bandant.

En arrivant en septembre, est-ce que tu t'attendais à un tel succès? Car ton émission est quand même la meilleure progression de RTL2...

Evidemment que non. Il ne faut pas partir avec des certitudes.

Tu arrivais quand même sur une radio ultra formatée...

Oui, mais c'est un format qui me correspond. Cette émission est la preuve que même dans une radio formatée, on peut proposer des choses différentes et que ça fonctionne. C'est vrai qu'il y a une part de l'animateur, mais il y a aussi la musique que l'on propose qui nâest pas tout à fait la même que celle que l'on peut entendre le reste de la journée. J'ai beaucoup de retours d'étudiants qui me disent qu'ailleurs on entend toujours les mêmes skeuds, mais le soir c'est différent.

Est-ce que tu ne penses pas que le succès de cette émission peut permettre à RTL2 de modifier un peu sa programmation?

Si tu écoutes attentivement l'antenne, tu t'aperçois qu'on y entend des golds qui ne tournaient pas avant. On diffuse plus rapidement certaines nouveautés comme le dernier Indochine qui est rentré une semaine après l'avoir reçu dans la play-list.

Mais tu fais un peu de forcing auprès d'eux?

Pas du tout. Ca me paraît simplement évident. C'est très bien de faire des études pour pérenniser un titre qui marche et que l'on entend beaucoup, mais il arrive un moment où il faut savoir prendre des risques. La radio, ça se fait aussi avec des oreilles. Les études de marketing doivent rester des outils.

Si tu n'étais plus sous contrat avec RTL et que tu n'étais pas allé sur RTL2, la radio la plus proche où tu aurais pu aller ç'aurait été OUI FM?

Avec des «SI» on fait beaucoup de choses,. Pour l'instant la question ne se pose pas. OUI FM, LeMouv,  Sing Sing Radio ou Radio Des Poumons FM, seule Christine Haas pourrait répondre.

Mais tu serais resté dans la radiooù tu te serais tourné vers d'autres activités?

J'ai fait de la télévision pendant longtemps sur MCM. Je prends encore beaucoup de plaisir à faire de la radio, et je n'ai pas besoin de faire autre chose. Je n'ai pas envie de me lever tôt, de vivre comme un dingue et de passer à côté de ma vie de famille. Je ressens aussi autant de plaisir qu'il y a 15 ans en faisant «WRTL» avec les moyens modernes actuels, une petite structure et des gens motivés autour.

As-tu l'impression d'avoir redonné un peu la pêche à l'équipe depuis que tu es arrivé?

Oui, un peu quelque part. Mais je pense qu'il y a des animateurs de FM qui restent encore cloisonnés à parler trente secondes sans pouvoir donner leur sentiment sur un disque ou sur un autre. Je crois que l'on est passé à côté de beaucoup de talents de la FM à cause de cela.

Qu'est-ce que ça fait d'être considéré comme une sorte de «mythe vivant» par toute une génération d'animateurs comme Thierry Land, Eric Jean-Jean, Max ou Jean-Philippe Denac?

Je ne sais pas. Ils ont dû écouter AC/DC ou Iron Maiden lorsqu'ils avaient 13/14 ans sous leur couette avec de petits écouteurs! (rires)

Est-ce qu'on peut te comparer à Bernard Lenoir sur FRANCE INTER ou tu n'aimes pas ce genre de comparaison?

On a beaucoup parlé de la bande FM et de la musique durant des années et des années. Il reste deux ou trois «références musicales». Il y a Lenoir, Lang pour la country, Zégut pour le métal et ces références on va les chercher sur des radios périphériques et pas sur la FM. Mais je nâaime pas le mot «référence». Je prends la vie comme elle est. C'est vrai que j'ai acheté mon premier disque à 7 ans. Avant de rentrer à RTL, j'avais déjà 10 000 vinyles chez moi. J'aurais aussi pu passer à côté d'opportunités et de rencontres avec des gens. J'ai défendu un style de musique durant 20 ans. Je ne pense pas avoir raconté trop de conneries non plus concernant la musique même si j'en ai dit d'autres pour se fendre la gueule!

Ton premier disque à 7 ans, c'était quoi? Et peux-tu nous dire ce qu'on trouve chez toi?

Mon premier disque, c'était un disque des Beatles. Chez moi, je n'ai plus grand chose. J'ai dû garder 500 vinyles pour le côté nostalgique et 1500 CD's également.  J'ai tout encodé en format MP3. J'y ai passé 2 mois de vacances. En revendant mes vinyles, je me suis acheté un ordinateur avec de gros disques durs pour encoder tout ça. Je ne suis pas un collectionneur. C'est comme lorsque tu fais un voyage. Tu te fais une photographie que tu gardes dans la tête. Et bien là c'est pareil.

A l'annonce de ton départ de RTL, qu'est-ce que tu as pensé de toutes les actions des auditeurs avec des pétitions et des seattings devant la station?

Ca m'a beaucoup touché. Je me suis aperçu, bien avant que l'émission ne s'arrête, à travers des rencontres avec des gens qui sont devenus des potes, que ça allait au-delà de l'animateur et de l'auditeur de l'autre côté. Il y avait un vrai lien qui s'était créé. Et ce lien est remonté à travers toutes ces actions.

Mais tu te l'imaginais autant que ça?

Oui. Lorsque l'on faisait des rencontres avec les chatteurs et que l'on mangeait au «Dragon d'Or» dans le 11è, on se racontait notre vie, on parlait de musique. Et déjà dans ces moments là, je sentais qu'il y avait quelque chose, qu'il y avait un lien. Tu me diras que tous les auditeurs ne viennent pas bouffer avec l'animateur, mais l'émission était tellement interactive avec le chat que je ressentais ça très fort. J'ai été très touché par ces actions pour «ZikWeb», ça m'a fait plaisir. Et la plupart d'entre eux sont passés sur RTL2 maintenant.

On a vu aussi se créer pas mal de sites web consacrés à «Zikweb»...

C'est la plus belle des récompenses pour un animateur alors qu'on ne vend que du vent, je ne joue pas de musique par exemple. J'ai simplement apporté des mots pour faire aimer de la musique. Et qu'un auditeur se dise en achetant un CD qu'il ressent le mec truc que moi et que je ne m'étais pas trompé. Pour moi, c'est la plus belle des récompenses.

Beaucoup de gens également ne peuvent plus t'écouter maintenant par manque de fréquences...

Oui, je le sais bien.

Un petit message pour Dominique Baudis(président du CSA)?

(imitant Jacques Chirac) Dominique, si tu nous écoutes, je suis ton copain Jacques, à Strasbourg il y a des françaises  et des français qui voudraient bien écouter RTL2. Ainsi qu'à Montpellier, Dijon, Le Mans et plein d'autres endroits.

Est-ce que tu fais actuellement l'émission que tu rêvais de faire à la radio?

Je la fais. Je participe activement à la prog. Il y a de l'interactivité avec le net. Il y a une bonne ambiance et des gens sympas.

Qu'est-ce que tu penses des radios qui boudent le rock considérant que ce n'est plus à la mode?

Je pense qu'elles se plantent. On vit des cycles en musique. Et depuis le temps, j'ai vu la mode disco, la mode funk, le punk, mais on revient toujours au rock d'une manière ou d'une autre. Il y a OUI FM, LE MOUV', RTL2 qui passent pour certains du rock et pour d'autres du pop-rock. Ca fait tout de même trois radios qui ont un format assez proche. Alors que celles qui disent que le rock est mort... qu'elles s'achètent une nouvelle paire d'oreilles!

Tu es un mordu du net, mais tu n'as pas ton propre site, pourquoi?

C'est un peu le culte de la personnalité! (rires) Je n'ai pas un ego assez développé pour ça. Et puis ça servirait à quoi? Ce n'est pas ma conception de la vie.

Quel est ton pire et ton meilleur souvenir professionnel?

Le pire, je crois que c'est une interview de Joe Jackson il y a très longtemps, en 1987-88. On le connaissait à travers la musique, mais pas autrement. Et comme je trouvais qu'il avait une tronche qui ressemblait à Tintin, je lui avais offert une édition limitée de Tintin. Et durant l'heure d'interview, il a dû dire deux mots. Quant au meilleur... On avait enregistré un concert d'AC/DC au Pavillon de Paris en 1979. Et il y a 4-5 ans, ils ont fait un CD coffret. J'avais un fan qui m'écoutait et qui est devenu fan d'AC/DC et qui était parti s'établir à New-York. Il m'appelle un jour pour me dire qu'ils étaient en train de monter ce coffret avec justement ce live du Pavillon de Paris, mais qu'il leur manquait deux morceaux sur la bande d'enregistrement. Alors il me demande si je peux faire quelque chose pour essayer de rattraper le coup. Je suis allé voir dans mon grenier un soir et j'ai retrouvé la bande avec les morceaux en stéréo. Le lendemain, j'ai appelé mon pote à New York qui a appelé la production en Australie. Ils m'ont envoyé un coursier de Londres pour chercher la bande. Et dans le livret de ce coffret, il y a écrit: «assistant-archiviste, Francis Zégut» pour la bande que je leur avais fournie. Pour le fan que je suis, ça reste un grand souvenir à la fois lié à la radio et à la musique.

Et si tu ne devais garder qu'un seul de tes 500 vinyles?

J'ai une édition limitée d'un morceau de Led Zeppelin «Stairway To Heaven» qui n'était jamais sorti en 45 tours, mais dont ils ont fait une édition limitée avec un CD single et un vinyle dans un coffret, c'est celui-là que je garderais.

Et dans la programmation de RTL2, qu'est-ce que tu aimes bien?

J'aime bien «Song for Jedi» de Dionysos, un truc français que l'on passe le soir. DUDIN un auto produit de la région nord en qui someille un «M». J'aime bien aussi Vega4, Craig Armstrong, Badly Drawn Boy, Gemma Hayes une jeune irlandaise. Autrement il y a plein d'autres trucs dont les bons vieux morceaux que l'on repasse.

Est-ce qu'il y a des professionnels de la radio qui t'ont vraiment marqué?

Jean-Bernard Hebey aux débuts de «WRTL» pour son talent inné. Il a donné beaucoup d'innovation dans la façon d'enchaîner les disques. Et Bernard Schu qui était une machine à lui tout seul dans le rayon disco, il a inventé beaucoup de choses.

Tu peux nous présenter ton équipe?

Alors il y a Seb qui s'occupe de toute la gestion de la réalisation technique, de la numérisation, de la production. Et Mayday s'occupe de la préparation des émissions du soir. Elle s'occupe également de la gestion du site, des rendez-vous, elle fait des interviews car elle est totalement bilingue et elle a du talent.

Et parle nous de ton chef?

Qui ça? Denac? (Jean-Philippe Denac, coordinateur d'antenne de RTL2) Il s'occupe du ménage ici! Il range les câbles, il met de l'encens dans les couloirs. (rires) Il a un côté très rigoureux comme ça. Bon, à part ça il aime les vieux jingles dance complètement démodés des années 80! On l'appelle «Tonton Jingle» (rires) Autrement devant une console, je le vois bosser tous les jours c'est un fou furieux. C'est un cador! Un bon gars! Son seul petit problème, il a les antérieurs un peu fragile, mais c'est assez traditionnel chez les étalons d'un certain âge, c'est le poids des boules, on y peut rien MDR.

Pour en revenir à ton arrivée sur RTL2. C'est toi qui a demandé d'avoir cette tranche horaire ou on te l'a proposée? Et est-ce qu'on t'a proposé de faire le morning?

Non, c'était prévu de faire cette tranche là. Quant à faire une matinale, c'est un peu trop tôt pour moi! C'est l'heure à laquelle je me couche! (rires) Mon horloge interne est plutôt réglée vers le soir.

Quand tu étais sur RTL, on ne t'a jamais dit que ton image rock'n'roll tranchait avec le reste de la station plus généraliste?

Si tu reprends une partie de l'histoire de RTL. Au début des années 80, Jean-Bernard Hebey faisait une émission punk le dimanche après-midi entre 13h30 et 18h. Personne ne lui a jamais dit qu'il avait une image de punk. On lui disait qu'il passait une musique qui fait du bruit, d'accord... Après ça reste une histoire d'images et d'étiquettes, mais moi je m'en tape un peu.

Est-ce que tu penses être en concurrence avec les émissions de libre antenne comme celle de Difool sur SKYROCK ou Max sur FUN?

SKYROCK, je ne pense pas. Quoi qu'on en a eu un ou deux qui sont venus se perdre chez nous parce qu'ils en avaient marre du rap... FUN aussi, on en a eu deux ou trois. Je crois que l'on rentre plus en concurrence avec OUI FM, LE MOUV' et auparavant avec RFM.

Un mot sur LE MOUV'?

J'ai écouté. Ils ont une prog diversifiée assez sympa, mais je n'aime pas leur habillage. Je le trouve un peu trop étrange. Et il faudrait que les animateurs, sans tomber dans les marchands de tapis, soient un peu plus dynamiques. Il y a un ton RADIO FRANCE qui mériterait un peu plus de pêche. C'est comme sur OUI FM. De temps en temps, j'écoute deux ou trois nanas, on a vraiment l'impression qu'elles posent le tricot pour boire un thé. Il ne faut pas que toute la misère du monde leur tombe sur les chaussures. On fait de la radio tout de même.

Et sur RTL2, quels sont les animateurs que tu écoutes?

J'aime bien Carl, le matin. J'aime bien Christian l'après-midi aussi. Pis Alexis et Cyril Keller

Et qu'est-ce que tu écoutes dans ta voiture?

Dans le désordre, les quatre que j'ai réglé: RTL2, RTL, et SKYROCK pour mes mômes quand je les emmène! Et FRANCE INFO. Je vais pas leur dire d'écouter RTL2, ils y viendront plus tard, et puis il y aura d'autres radios...
 


 


© RESAPROD 2002-2006
propos recueillis par Zack MOULLEC, Jérôme ROMAIN, Mickaël ROIX
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